Chronique de lecture : Ecritures (Stephen King)

Cette semaine, je vais m’attarder sur un livre un peu particulier : un récit autobiographique mêlant flash-back épars, et pamphlet sur l’écriture et ses techniques. Présenté comme cela, ça fait texte capilotracté guère ragoutant d’un pseudo penseur adepte du monochrome. Il n’en est rien, car cet essai a été rédigé par un de mes maîtres en la matière : Stephen King.

Quand Stephen King se décide à écrire sur son métier et sur sa vie, un brutal accident de la route met en péril l’un et l’autre. Durant sa convalescence, le romancier découvre les liens toujours plus forts entre l’écriture et la vie. Résultat : ce livre hors norme et génial, tout à la fois essai sur la création littéraire et récit autobiographique. Mais plus encore révélation de cette alchimie qu’est l’inspiration. Une fois encore Stephen King montre qu’il est bien plus qu’un maître du thriller : un immense écrivain. La vie n’est pas faite pour soutenir l’art. C’est tout le contraire.

Le texte est découpé en trois parties distinctes. Dans la première, Stephen King nous raconte quelques bribes éparses de son passé, notamment celles liées de prêt ou de loin à l’écriture. Les conditions de rédaction de ses premiers romans (dans la lingerie d’une caravane double corps, cognant sur la machine à écrire que je tenais en équilibre sur un bureau d’enfant posé sur mes genoux), ses premiers essais en tant que journaliste, ses nombreux ratés…
Ensuite, il nous parle de sa « boite à outils » d’écrivain. Difficile de narrer dans le détail l’ensemble de cette partie, tant son contenu est riche et intéressant.

Pour écrire au mieux de vos possibilités, il vous incombe de vous construire votre propre boite à outils, puis de vous muscler suffisamment pour pouvoir la porter. De cette façon, au lieu de vous retrouver devant des difficultés propres à vous décourager, vous pourrez peut-être disposer du bon outil et vous mettre au travail sur-le-champ. […] On place ses outils les plus usuels dans le compartiment du haut. Le plus usuel de ces plus usuels, le pain et le sel de l’écriture, c’est le vocabulaire. Dans ce cas, vous pouvez joyeusement ranger celui dont vous disposez sans la moindre culpabilité, sans faire de complexe d’infériorité. Comme disait la pute au matelot intimidé : « l’important, c’est pas ce que tu as, mon chou, mais comment tu t’en sers » […] La grammaire doit également figurer dans le compartiment supérieur de votre boite à outils, et ne venez pas me casser les pieds comme quoi vous ne comprenez rien à la grammaire, que c’est marrant d’écrire, mais que la grammaire vous les brise menu.

Parmi ce flot continu de conseils en tout genre, j’ai relevé avec délectation son aversion des voix passives « écriture des gens timides » et son dégout profond de l’adverbe « j’estime que la route menant en enfer est pavée d’adverbes ».
Le second étage de la boite à outils du King contient les « éléments de style ». Le troisième est un peu plus nébuleux, puisqu’il s’agit de « l’art d’écrire un bon roman ». L’origine même de chaque texte, l’idée de départ, les descriptions, les dialogues, l’élaboration des personnages. Les maitres mots sont l’entrainement, l’indispensable corvée/plaisir, et l’honnêteté vis-à-vis du lecteur.

Si vous voulez devenir écrivain, il y a avant tout deux choses que vous devez impérativement faire : lire beaucoup et beaucoup écrire. Il n’existe aucun moyen de ne pas en passer par là, aucun raccourci.

L’ensemble, dans le style très direct caractéristique de King, est ponctué d’anecdotes savoureuses qui viennent parfois me titiller l’esprit quand je corrige mon roman en cours.
Le point central de cet essai sur l’écriture sont les retours de l’auteur sur sa propre expérience, et les exemples qu’il distribue à foison sur l’art d’écrire, en fonction de ce qu’il a pu faire dans le passé. Il explique comment est né le « plot » de Carrie, ou de Cujo, il détaille l’art des dialogues avec son propre, présente sa méthode de correction. C’est bigrement enrichissant, cornegidouille !

Je considère que quiconque utilise l’expression « that’s so cool » (c’est super chouette), devrait être mis au piquet et celle beaucoup plus odieuse « at this point in time » (à ce stade) devrait être envoyé au lit sans diner.

Enfin, l’ultime galop de ce texte narre les raisons de cette réflexion réalisée par Stephen King à propos de son métier, à travers l’épisode de l’accident qui a failli lui couter la vie. Il raconte les diverses opérations, sa rééducation, et comment il s’est remis à écrire, grâce notamment à sa femme, alors que la position assise lui était au début insupportable.

Pour toute personne normalement constituée, cet ouvrage sera plaisant sur sa première partie, lourdingue sur la seconde, et pour ceux qui arrivent jusqu’au bout, intéressante sur sa dernière, avec l’épisode le plus dramatique de la vie de l’auteur.
Pour les écrivains en herbe, ce texte est une mine de conseils, un flot continu d’astuces, un chemin parsemé de panneaux de signalisation afin de baliser tous ceux qui souhaitent se lancer dans cette sorcellerie qui consiste à empiler les mots les uns après les autres pour créer une histoire.

Écrire est magique, écrire est l’eau de la vie au même titre que n’importe quel art. L’eau est gratuite. Alors, buvez. Buvez, buvez à satiété.


Pour découvrir ce pamphlet d’un maitre de l’écriture…

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